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  • Photo du rédacteurQuentin Perissinotto

Une jolie fille comme ça


© RetroAtelier – Getty Images

« Ce qu’elle possédait, en revanche, apparemment, était une espèce de désespoir, qui engendrait une forme différente, un genre alternatif de séduction. »

Espaces interdits, espaces des non-dits : peut-on retenir des mots prononcés, un je t’aime vacillant lancé dans l’obscurité ? Des mots planants entre les corps, puis finissant par se dissoudre, comme un secret. Paroles calcinées. Lambeaux de rêves brûlés. Zone qu’on ne pensait jamais franchir. Une note de jazz au loin, qui se mue en une tristesse insondable. L’amour est un désir alourdi par l’erreur, la stupidité, la vanité et la souffrance. Une plainte sans nom qui cherche à répondre à tous les visages. Une mélancolie à la douce amertume de martini. Une jolie fille comme ça est un livre à l’ambiance délicatement désillusionnée, de fin de soirée. Je l’ai commencé encore un peu enivré par l’alcool, le vent berçant la nuit d’été. Une histoire où les sentiments affleurent sous la froideur et le cynisme apparents. Hollywood, années 50. Un soir, lors d’une de ces fêtes aussi bruyantes qu’arrosées, un homme s’approche de la rambarde, las d’observer avec dédain ce cocktail de vanité et vacuité. L’océan s’étale à perte de vue, picoré par les lumières de la fête au loin. Il plonge sa mélancolie dans la froideur calme de la nuit et ne pense à plus rien, se laisse bercer par l’inconnu. Une silhouette se détache vers le rivage : une femme avec un verre à la main. A peine a-t-il le temps de la fixer qu’elle s’élance dans l’océan. Quelques minutes plus tard, il la tire péniblement des flots. Il l’a sauvée. Et pourtant, c’est vers leur perte qu’ils iront. Très vite, ils deviendront amants. Par la force des choses, l’impuissance des autres. Et c’est ce désenchantement électrique qui enveloppera cette romance triste, qui les poussera à toujours rechercher un point de fuite qui ne fera que de les amener inlassablement au point de départ. Lui est un scénariste à succès, la quarantaine, elle une jeune femme, cherchant la gloire de la scène et l’éclat de sa vingtaine. Ils ont en commun un désespoir existentiel évident et un besoin d’évasion. Deux âmes perdues qui vont tournoyer, un temps, dans ce bal des illusions brisées. Alfred Hayes excelle pour suggérer l’essentiel en quelques phrases : un narrateur qui s’ennuie, une jeune femme aussi crépusculaire qu’évanescente, une histoire d’amour comme seul remède contre le réel, du mystère et des pleurs voilés. Une plume à la fragilité mélancolique pour une histoire que l’on lit le regard perdu dans le lointain.


 

Une jolie fille comme ça – 2017

Alfred Hayes

Folio

192 p.

6.80 €

ISBN : 978-2072723452

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