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  • Photo du rédacteurQuentin Perissinotto

Success Story, de la déprime à la défonce



Heureusement que les vacances arrivent pour Anna ! Jeune professeure de français dans un collège de banlieue, elle n’en peut plus : de ses élèves perturbants et médiocres, de ses collègues qui jacassent, de sa vie aussi plate qu’un Perrier citron laissé trois heures en plein soleil. Sans amis, sans amours, sans tendresse et sans rêves, elle s’enfonce dans les limbes du quotidien telle une sirène complètement bourrée. Sans folie aussi, puisqu’elle démarre ses quelques semaines de vacances en se rendant à la supérette du coin. Soudainement, on l’interpelle : « Anna ! C’est moi, Carine » Et merde, voilà qu’une ancienne camarade d’école refait surface… Anna qui pensait être tranquille se retrouve assise presque de force à une table, devant une bière. Buvant à grandes gorgées sa pinte et les platitudes de son amie qui n’en a jamais été une, elle espère mettre fin le plus vite possible à cette entrevue des plus désagréables pour retourner à son indigence. Car ce n’est pas parce qu’on n’a pas de vie qu’on ne peut pas la rater ! Cependant, contre toute attente, Carine réussit à attirer chez elle une Anna un peu pompette, pour prolonger cette discussion. Carine, dans un élan de bonté, lui propose de la MDMA ; pas question, Anna refuse. Elle opte plutôt pour une menthe à l’eau. « Tu es sûre que tu ne veux pas un peu de MDMA ? » « Absolument certaine ! » Anna termine sa menthe à l’eau. « Je me suis quand même permis de t’en mettre un chouia dans ton verre, mais trois fois rien… » Et là, comme dans un Disney ou dans un roman d’Éric-Emmanuel Schmitt, la magie opère ! Droguée à son insu, Anna flotte dans la beauté presque orgasmique du monde, se laissant enfin aller. Histoire de maintenir le cap, les deux désormais amies bifurquent à la coke. À partir de ce moment-là, la vie d’Anna ne sera plus jamais la même. Finie la femme coincée, psychorigide, finie l’existence molle, finie la zone de confort ! Désormais Anna ira donner ses cours cokée jusqu’aux ballerines et ira même aux apéros entre profs. Mais surtout : elle va trouver l’inspiration pour son roman ! On ne cesse de lui demander son secret : « La MDA et les ecstasys pour favoriser l’empathie. La coke et le Modafinil pour travailler d’arrache-pied. L’alcool pour me désinhiber. Le LSD et les drogues psychédéliques pour développer ma créativité. L’herbe et Lexomil il pour me détendre. » Tout va s’enchaîner à une vitesse ahurissante pour Anna : le succès de son premier roman, les plateaux télé, une romance avec un mec, le projet de son second roman… Anna n’a qu’une seule interrogation : aura-t-on inventé assez de substances pour qu’elle arrive à supporter tout ça ?


Comme l’avertit Amandine Glévarec, « l’abus de premier degré est dangereux pour la santé ! » Romain Ternaux et Johann Zarca nous livrent un roman complètement déjanté, où l’héroïne semblant sortir d’un roman de Houellebecq se mue en mère Noël sous Prozac. Délicieusement impertinent, Success Story se moque de ces romans qui pullulent sur les étalages et qui prétendent vous apprendre la vie. La recette est la même : prenez un personnage qui paraît tout avoir pour être heureux mais qui se révèle être d’une vacuité totale, une rencontre inattendue, une quête métaphysique qui débouche sur un changement total de vie et les réussites qui s’enchaînent. On se croirait dans un roman de Giordano. À la différence que si dans les livres de développement personnel le héros se voit dispenser des leçons de vie, ici se sont les sachets de crystal meth qui sont étalés. Et même si la folie des deux compères n’a d’égal que leur imagination, Success Story ne tourne absolument pas en rond et surtout, ne tourne pas au règlement de compte parodique. C’est bel et bien une histoire menée de bout en bout que nous offrent nos deux compères de la street. Et quelle bouffée rafraîchissante ! D’une cadence improbable, Success Story vous fera exploser de rire tellement certaines scènes sortent de nulle part… ou alors tout droit d’un reportage de Bernard de La Villardière. Ce feel-good book irresponsable pose les bases de l’existence selon la règle des 3 D : déraison, déconne & défonce. Sans prétention sauf celle de faire rire et tourner en dérision les prescripteurs de sagesse, ce roman s’adresse à tous ceux qui détestent l’étalage de bons sentiments. Un livre qui remet la vie sur les bons rails. Ceux de la coke.


 

Success Story – 2019

Romain Ternaux & Johan Zarca

Goutte d’Or

320 p.

17 €

ISBN : 979-1096906123


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