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  • Photo du rédacteurQuentin Perissinotto

Occasions tardives et orages tus



Qu’il est plaisant de se faire surprendre par un livre que l’on n’attendait pas forcément ! De Tessa Hadley je ne connaissais même pas le nom, encore moins son premier roman. J’ai ouvert le livre en m’imaginant une histoire un peu convenue, un roman anglais comme on en fait plein. C’est en réalité un roman comme on en fait peu. Impossible à lâcher !


Tout commence par une mort. Celle de Zach, l’ami sur qui on pouvait compter, le mari aimant, celui qui ne faisait jamais de vague, aussi calme que discret. La cinquantaine, Zach les a laissés, aussi désemparés les uns que les autres. Il était celui qu’ils ne pouvaient perdre. Sa perte marquera la leur également. Alexandr, Christine, Lydia et enfin Zachary formaient un quatuor inséparable, où chacun avait trouvé sa place, un quatuor qui était leur équilibre. Alors quand vient la mort de l’un des quatre, plus que de vaciller, cet équilibre implose. C’est tout un travail de morcellement et de modelage qu’entreprend Tessa Hadley. Partant de ce deuil au présent, elle remonte le passé et nous place au moment de leur rencontre. Christine et Lydia sont toutes les deux jeunes étudiantes. Alors qu’elles suivent toutes les deux le même cours de français, Lydia tombe amoureuse de leur prof, de son accent un peu guttural et de ses yeux noisette. Il s’appelle Alexandr, est déjà marié. L’histoire est lancée et les deux filles feront tout pour que l’amourette entre Lydia et Alex ait lieu. Quand Lydia comprend que son mariage part à la dérive, elle prend les choses en main et commence à le courtiser assidûment. Et pour ne pas laisser tomber son amie, Lydia se met en tête de lui présenter le meilleur ami d’Alex : Zach. Les prémisses du quatuor sont nées.


Le délitement des amitiés


Mais pourtant, le roman commence avec deux couples : Christine et Alex, Zach et Lydia. Alors que s’est-il passé ? Pourquoi ce revirement ? C’est bien là le véritable sujet du roman de Tessa Hadley : essayer de mettre à nu l’entrelacs des relations qui unit ces quatre amis. Car plus les personnages gagnent en épaisseur, prennent de la place dans l’intrigue, et plus leurs relations deviennent confuses, ambigües. Il y a des affinités électivesde Goethe dans ce roman ! Alors que je pensais lire un simple roman sur la jeunesse et les amitiés qu’elle crée, je me suis très vite rendu compte que ce quatuor contenait quelque chose de bien plus mystérieux, qu’il n’était lisse que d’apparence et que le ciel bleu qu’ils s’efforçaient tous d’afficher taisait d’énormes orages. Rien d’angoissant ou d’inquiétant, mais on sent tout le poids des silences et des non-dits. Cet équilibre précaire tient, chacun s’accommodant regards absents des autres, leur répondant par sa propre brume. Mais la mort de Zach brisera définitivement ce semblant d’équilibre. Tous à présent au bord de leur propre rupture, ils devront tenter de faire le deuil d’un être proche, en voyant leur amitié se déliter. Et leur vie avec. Dès lors, aucun secret ne va réapparaître, non ; ils ont toujours vécu avec, ils ont pu vivre avec, les fondant dans les ombres du quatuor. Mais les secrets que l’on feint connaître sont les plus dévastateurs. La perte de Zach a ouvert une brèche et les vents de l’amertume passée et des rancœurs éternelles s’engouffrent à présent, déferlant sur les trois amis comme une tempête au souffle irascible. Faisant voler leurs névroses et ouvrant des fêlures désormais incolmatables. Peut-on alors vraiment affirmer que tout ce qui s’est déroulé appartient au passé ?


 

Occasions tardives – 2019

Tessa Hadley

Christian Bourgois

315 pages

22 €

ISBN : 978-2267031683

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