C’est au cœur des nuits hivernales qu’a jailli l’éblouissement. Après avoir fini L’insoutenable légèreté de l’être, j’ai comme eu l’impression de n’avoir fait que tâtonner en littérature auparavant, pour finalement être cet aveugle qui retrouve la vue. De Kundera j’avais lu son Art du roman et La Valse aux adieux. J’avais été séduit, je m’étais promis de lire le reste. Mais sans l’urgence du désir impérieux. C’était un vendredi soir à Paris, dans le prolongement d’une journée suspendue dans le temps, que j’ai trouvé mon exemplaire de L’insoutenable légèreté de l’être. D’occasion, lui marqué par le temps. Je suis reparti dans la nuit avec l’agréable certitude de connaître l’évidence. Pourtant ce roman n’est pas une histoire modèle, c’est un roman fragmentaire, où les scènes construisent une narration comme une toile de relations. C’est l’histoire de deux couples qui ne se sont pas des miroirs, mais des entrelacs. Thomas aime profondément Tereza, mais son amour pour elle est tout autant un appel à d’autres tentations libertines. Parmi elles, Sabina, intelligente, asentimentale, raison de la jalousie tenace et nocturne de Tereza et amante temporaire de Franz. Kundera construit là une histoire d’amour multiforme, une histoire où l’amour est un motif à variations, une mélodie accentuée par chacune des voix. Un roman où la rencontre amoureuse est celle des différentes façons d’aimer : amour romantique, amour jalouse, amour libertine, vérité, mensonge, amour devoir ou désir, amour de tous les instants. Jamais personne n’aura aussi bien disséqué le sentiment amoureux que Kundera, et ne m’aura plus permis d’approcher la compréhension de ce qu’est « être amoureux ». Il y a des passages entiers où, après les avoir lus, j’ai reposé le livre un instant, percuté de plein cœur par la fulgurance de la vérité. Avec l’intime conviction que tout a été dit. Kundera c’est ça, c’est l’économie des mots et le luxe de la justesse.
Mais ce livre ne parle pas que d’amour, il parle aussi de la vie et du destin. Somme toute il ne parle que de l’amour, car sans amour la vie n’a plus de destinée.
« L’amour commence par une métaphore. Autrement dit: l’amour commence à l’instant où une femme s’inscrit par une parole dans notre mémoire poétique. »
L’insoutenable légèreté de l’être – 1990
Milan Kundera
Folio
476 p.
10.80 €
ISBN : 978-2070381654
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