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  • Photo du rédacteurQuentin Perissinotto

Les Jouisseurs, l’histoire de la joie percée par la folie



Quelles sont les pulsions folles qui nous poussent à avaler la vie pour y trouver de la joie ? C’est autour de cette question que tout le roman de Sigolène Vinson prend place. Autant pour ses personnages que pour le lecteur. Car plus d’une fois je me suis demandé, pendant les cent premières pages, où l’auteure voulait en venir avec cette histoire. Plus d’une fois, j’ai hésité à le reposer pour le reprendre plus tard, me disant que je passais peut-être à côté de tout un pan du roman. Mais quelque chose me retenait sans cesse, m’embrayait sur le chapitre suivant. Jusqu’à que je comprenne que je m’étais totalement fait avoir, depuis le début. Cette façon que possède Sigolène Vinson de ralentir la narration, l’entrecouper, la disséquer, n’est pas une maladresse romanesque, mais un subterfuge littéraire pour glisser le lecteur dans les mêmes dispositions que les personnages. Alors quand il s’agit de se faire duper avec talent, on sourit ! Futurs lecteurs, n’abandonnez pas la lecture même si celle-ci vous semble lente, tout se décante vers la fin illuminera le reste du roman !

Olivier est romancier, mais n’arrive plus rien à écrire. Alors il décide un jour de voler un des automates Jaquet-Droz conservés au musée d’art et d’histoire de Neuchâtel : il s’agit bien évidemment de l’Écrivain. Grâce à cette machine, il espère créer le roman qui lui échappe. Aidé par sa compagne Éléonore, visiteuse médicale qui ingurgite elle-même sa propre cargaison de psychotropes pour les tester, Olivier verra petit à petit une histoire naître : La Caravane Wintherlig. La nuit, pendant qu’il dort, bercée par ses hallucinations fantasques de ses drogues, Éléonore s’empare de l’Écrivain pour imaginer une histoire aux confins du Maroc du XIXe siècle. Ole et Léonie, les deux héros de papier, sillonnent le désert à bord de leur caravane de débauche, instillant le vice et l’alcool à mesure des escales. Les Jouisseurs, c’est deux histoires. Ou plutôt mille, car tout s’entremêle pour que l’on ne distingue plus ce qui relève de la pure fiction des accès de folie d’Éléonore. Pendant que sa compagne avance son récit de La Caravane Wintherlig, Olivier lui écrit la notice de L’Écrivain. Alors qu’il n’était qu’un simple mécanisme, cet Écrivain commence à prendre une place prépondérante dans le récit, amenant delà discorde dans le couple. Ces quatre personnages, éloignés par les continents, les siècles et la fiction vivent pourtant une même mélancolique qui les enferme chaque jour un peu plus. Pour fuir leur solitude, ils se réfugient dans les alcools frelatés et les vapeurs de haschich, dans les psychotropes et dans les antidépresseurs. Quand les existences n’attendent que la nuit pour hurler, faut-il taire le quotidien ? Sigolène Vinson tourne autour de cette question en injectant de la poésie à la folie de ses personnages, en faisant communier fantaisie et douleurs tues. Tous les personnages semblent flotter dans une béatitude crainte, dans une déconnexion du monde. En marge, ils ne se soucient plus que d’avancer dans leurs destinées : la traversée du désert ou l’écriture d’un roman. Une course folle au bonheur, poussés dans le dos par les vents de la tristesse. Comme des automates lancés à la poursuite d’une joie hébétée, zigzaguant entre les éclaircies de la folie et de l’addiction, trébuchant, sans cesse en mouvement. Mais tous ces personnages finissent par s’entrecroiser, s’imbriquer, pour ne former plus qu’un unique chant de désespoir. Une jolie mélopée teintée de larmes.


 

Les Jouisseurs – 2017

Sigolène Vinson

L’Observatoire

192 p.

17 €

ISBN : 979-1032900437


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