Thomas Bernard disait que « chaque rentrée littéraire ressemble à l'ouverture d'un nouveau cimetière » ; alors allons fossoyer gaiement ! Sur les quelque 567 nouveaux romans qui sortiront ces prochains jours, tous ne sont pas évidemment de qualité. Il y a comme chaque année les têtes d’affiche, les premiers noms qui s’imposeront comme nouvelles voix, les inconnus qui méritent de le rester, les traditionnels égreneurs de roman de rentrée… La rentrée littéraire est cette sorte de buffet canadien où l’on déguste un peu de tout, par curiosité souvent. J’ai souvent boudé la rentrée littéraire, jugeant que peu de titres intéressants en émergeaient. Et pourtant j’ai eu tort ! Cette rentrée littéraire 2018 est une très bonne sinon excellente cuvée. Forcément le raisin n’a pas eu partout l’ensoleillement idéal, donnant lieu à des piquettes causant maux de tête et remontées d’acide, mais il en ressort beaucoup de romans très intéressants, avec de vraies prises de risque et ambitions littéraires. J’ai eu énormément de plaisir à piocher des livres un peu au hasard des arrivages, à me demander ce que ça vaudrait, reposer parfois le roman dans le carton pour le reprendre quelques semaines plus tard. J’ai eu encore plus de plaisir à naviguer parmi les quelque cinquante livres qui avaient finalement retenu mon attention, à me laisser surprendre par des auteurs que je ne connaissais absolument pas. De cette masse émergent particulièrement quatre titres : Elsa mon amour, Je voudrais que la nuit me prenne, Le Poids du monde et Les cigognes sont immortelles. Mais cet article n’est nullement un guide de la rentrée littéraire qui distribuerait les bons et les mauvais points ; à vous de vous laisser porter par vos envies et votre flair ! Par contre il peut vous donner quelques idées de lecture avec ces quatre romans qui sortent très clairement du lot et qui ne peuvent pas décevoir. Même si vous n’êtes pas friand du phénomène de la rentrée littéraire, lisez ces livres, ce sont des pépites.
Elsa mon amour de Simonetta Greggio (parution le 22 août)
Ce livre n’est pas une biographie sur la romancière italienne Elsa Morante. C’est bien plus que cela. C’est un portrait qui capte toute l’intimité en mouvement, dans ses failles, ses inconstances, ses rêves. Au travers des yeux et de la sensibilité d’Elsa Morante, nous voyons se déployer son Italie, sa carrière, mais aussi les personnes qui ont compté pour elle. L’écriture de Simonetta Greggio est une merveille de subtilité et arrive à convoquer odeurs, souvenirs, amours et bonheurs d’un instant.
Elsa mon amour – 2018
Simonetta Greggio
Flammarion
240 p.
19 €
ISBN : 978-2081412859
Je voudrais que la nuit me prenne d’Isabelle Desesquelles (parution le 16 août)
Mettre des mots sur ce roman n’est pas chose aisée tant il joue de l’ambivalence. Il raconte l’enfance (et la vie) de Clémence, la narratrice. Mais rien n’est enfantin ; ni le ton, ni la voix. C’est un livre troublant qui vous place au cœur des existences. Il explore l’étrange danger du bonheur. Entre trouble et éclairs de joie, ce roman densifie le lien fragile et inaltérable qui nous unit à nos plus proches.
Je voudrais que la nuit me prenne – 2018
Isabelle Desesquelles
Belfond
208 p.
18 €
ISBN : 978-2714479488
Le Poids du monde de David Joy (parution le 30 août)
Dans une Amérique rurale et délaissée, au fond des Appalaches, Thad et Aiden, deux amis d’enfance se retrouvent et partagent un Mobil-Homes crasseux et tombant en ruines. Leur quotidien se résume à attendre la pension d’ancien combattant de Thad pour la dépenser en drogues. Après la mort accidentelle de leur dealeur, aussi idiote qu’inespérée, les deux amis vont se retrouver avec un véritable magot. Mais l’argent ne suffit jamais à chasser tous les démons. Surtout quand le passé ne vous dessine aucun avenir… David Joy explore le potentiel de la culpabilité et les rouages infernaux qu’elle peut créer. Un roman noir implacable de l’une des nouvelles voix de la littérature américaine. Une formidable tragédie moderne, aussi glaçante qu’addictive.
Le Poids du monde – 2018
David Joy
Sonatine
321 p.
21 €
ISBN : 978-2355843396
Les cigognes sont immortelles d’Alain Mabanckou (parution le 16 août)
Roman brassant l’histoire du Congo sous la révolution, Les cigognes sont immortellesn’est pas pour autant un roman historique. C’est un livre qui immisce la grande histoire dans le quotidien d’un enfant naïf et rêveur, Michel, pour dessiner les contours d’un pays sous la décolonisation. Mais en le lisant, rien de tout cela n’apparaît frontalement, tout est raconté avec brio et habileté, laissant croire à une simple histoire. Bluffant !
Les cigognes sont immortelles – 2018
Alain Mabanckou
Seuil
304 p.
19.50 €
ISBN : 978-2021304510