Le Nord vaudois, une petite région de même pas 100'000 habitants, dispersés entre deux lacs. Une petite ville – Yverdon – comme tête de gondole. Ce n’est pas forcément la région la plus dynamique de Suisse, il y règne plutôt une atmosphère paisible et ressourçante. Et pourtant, la dernière parution des éditions Infolio en collaboration avec L’APAGE nous prouve le contraire ! Réunissant 50 textes parus depuis 2014 dans un quotidien de la région, Les Chroniques de l’art contemporain dressent un portrait fourmillant de la région Nord vaudoise ! Un livre vivifiant, qui replace l’art au cœur de la vie en croisant artistes du cru et pointures internationales. Salvateur !
À la manœuvre de cet ouvrage, Karine Tissot. Historienne de l’art, elle dirige le Centre d’art contemporain d’Yverdon-les-Bains (CACY, à prononcer « kaki ») qu’elle a mis sur pied en 2013. Critique d’art, elle écrit aussi pour différentes revues (Art Review, Flashart Magazine, ArtPassions). Et de l’autre côté du terrain, Raphaël Muriset. Journaliste, critique d’art, et surtout ancien rédacteur en chef adjoint de La Région Nord vaudois. C’est lui qui a confié une fois par mois environ les colonnes de la page 2 du quotidien à la plume de Karine Tissot. Il fallait du culot pour oser proposer une chronique culturelle fréquente ; et pourtant la formule dure ! Depuis Raphaël Muriset n’est plus le rédacteur en che adjoint, mais rien n’a changé. Paru il y a quelques mois, ce livre de quelque 200 pages et 100 illustrations recense ce qui a fait vibrer culturellement la région pendant quelques années. Mais c’est tout sauf un ouvrage qui s’adresse uniquement aux initiés ! Partant du travail d’un artiste, Karine Tissot montre comment l’art croise irrémédiablement le quotidien. Les textes courts – jamais ils n’excèdent une page – sont autant de réflexions sur la place de l’art dans nos vies et sur les formes que peut prendre la culture. D’une érudition très fraîche, elle démontre comment le spectateur par le simple fait de se mouvoir peut créer l’œuvre (from here to ear de Céleste Boursier-Mougenot), comment l’art contemporain peut dialoguer avec la théologie (l’œuvre de Sandrine Pelletier au sein de l’église Saint-François) ou encore comment l’art peut interroger sur ces lieux où le contact humain semble avoir disparu. Les articles sont concis, limpides et va à la rencontre d’un lectorat pas forcément habitué et intéressé par la programmation artistique. L’enjeu était pour Karine Tissot et La Région Nord vaudois de sortir du champ artistique et d’aller chercher les lecteurs sur leurs terres, pour leur montrer que l’art s’adresse à tous, à condition d’être curieux.
Et avec ce livre, c’est encore à un autre public qu’elle s’adresse. Peut-être moins vaudois, plus intégré au milieu culturel ; c’est tout l’intérêt du discours de Karine Tissot qui s’adresse autant à des habitués qu’à des curieux. Présentant majoritairement des artistes que l’on peut voir plus directement près de chez nous (Frédéric Clot, Andrea Mastrovito, Sébastien Méttraux ou encore Sophie Bouvier Ausländer), Karine Tissot dresse les contours de la scène artistique romande tout en cherchant à décloisonner l’art et ses interrogations, par petites touches. C’est très habile et très intelligent ! Le critique d’art Etienne Dumont a parfaitement résumé ceci dans son article : « Cet ouvrage de vulgarisation au meilleur sens du terme gagnerait à faire école. Il résoudrait ainsi un paradoxe. Alors que l'on veut ouvrir l'art et les musées à tous, le langage reste souvent universitaire. Or il doit s'adapter à ses lecteurs ou auditeurs. Normal! Les mots constituent, avec l’œil, la clef d'accès aux œuvres. Il s'agit de se montrer logiques et conséquents. Il faut savoir ce que l'on veut. » Quand tout est dit par d’autres, il ne sert à rien d’ajouter des mots superflus.
Les Chroniques de l'art contemporain– 2018
Karine Tissot
Infolio
215 p.
42 CHF
ISBN : 978-2884747905