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Photo du rédacteurQuentin Perissinotto

Beau monde, belle hypocrisie



Une foule de personnes se pressent. Les bouteilles de champagne s’alignent. Les petits fours s’entassent sur les assiettes. Les cravates se froissent, les chignons se rehaussent. Tout le beau monde attend pour féliciter la nouvelle union. Oui mais voilà, la mariée fait faux bond au dernier moment. Que faire alors, dire à tous les invités que la fête est finie avant d’avoir commencé et les jeter dehors ? Non, qu’importent les circonstances, on fêtera ! Quoi, personne ne sait, mais on fêtera ! C’est ainsi que débute le dernier roman de l’écrivaine suisse romande Laure Mi Hyun Croset. Une comédie au vitriol qui décape les bonnes mœurs et les convenances. Mais est-ce un récit uniquement drolatique ? Non !

Une tragi-comédie loufoque

Derrière un humour toujours présent, qui porte un événement malheureux au demeurant, Laure Mi Hyun Croset fait intervenir de nombreux personnages qui racontent, tour à tour, des anecdotes sur Louise, la mariée absente. Charles-Constant, se retrouve totalement effacé de son mariage alors que lui est présent. La grande qualité du texte de l’auteure suisse est de créer de toutes pièces un personnage absent des scènes, uniquement au travers des discours des autres. Jusqu’à la rendre plus vivante que les autres personnes dans la salle ! C’est une ambiance totalement café du commerce dans laquelle baigne le récit, et qui donne ce ton décalé si particulier. Jusqu’à rendre ces pique-assiettes attachants, alors qu’ils sont de véritables têtes à claques en puissance. Parmi eux un ancien professeur d’université de Louise, un de ses premiers amants, un confrère écrivain jaloux, des anciens amis étudiants… qui tous dressent un portrait peu flatteur de Louise, la faisant passer pour une arriviste prête à tout pour s’insérer dans la bonne société.

« Certain, cependant, un peu rebutés par tant d’opulence et de raffinement, se plaignirent. Les noix de Saint-Jacques se mangeaient entières et non découpées en fines lamelles, et surtout pas crues mais dorées dans du beurre. »


© Tulalu !?

Justement Louise, parlons-en ! Les invités profitent de son absence pour lui dessiner un mais surtout lui régler son compte : de tendance asociale, arriviste, flirtant même avec la méchanceté, Louise ferait preuve (selon une amie d’enfance moins amicale qu’elle ne paraît) d’une fausse dévotion couplée à une vive lucidité pour se hisser socialement. Tout ce cynisme est en opposition totale avec l’ambiance (faussement) chaleureuses et conviviale que les convives tentent de donner au mariage avorté. Le point négatif est que le récit, à force d’être surjoué, sonne peut-être faux par moment. Laure Mi Hyun Croset aurait gagné à désengorger Le beau monde de certaines situations ou propos moqueurs, pour ne pas donner au livre un côté trop comédie de boulevard. Il n’en reste que Le beau monde est un livre très plaisant à lire, où le lecteur se délecte de voir tous les invités se donner en spectacle et faire plonger la non-mariée dans un bain de moqueries !

Conseil de lecture: à lire en buvant une coupe de champagne, évidemment.

Le beau monde – 2018

Laure Mi Hyun Croset

Albin Michel

208 p.

15 €

ISBN : 978-2226400239

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