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Photo du rédacteurQuentin Perissinotto

Celle qui s'enfuyait



Phyllis Marie Mervil est une romancière à succès. Depuis plusieurs années maintenant, elle vit dans une des régions les plus reculées de France et n’a que très peu de contacts avec le monde extérieur. Une routine qu’elle s’est forgée, pour vivre dans le silence. Puis un coup de feu fait remonter à la surface un passé hanté par des personnes avides de vengeance. Mais pour venger quoi ? Pour cela il faudra remonter le fil de la vie bien rangée de Phyllis et se plonger dans l’effervescence du New York des années 1975.

« Mais elle était bien placée pour savoir que si les mots écrits permettent d’exorciser la peur, ils gravent aussi pour longtemps les doutes et les fardeaux que nous portons en nous, les erreurs er les blessures à jamais douloureuses, sensibles comme des cicatrices. »

Voici ce qu’il en est du dernier roman de Philippe Lafitte, paru ces derniers jours aux éditions Grasset. Marketé comme un « thriller littéraire » ou « thriller psychologique », l’auteur nous livre pourtant ici un récit certes haletant mais où la narration est plus portée par les voix et les personnages que par un véritable suspens. Cette histoire de tentative de meurtre sert de prétexte pour dérouler la vie d’une femme qui a fui sa ville et ancienne vie. A l’aide d’une écriture ferme et imagée, Philippe Lafitte conduit un récit qui entremêle deux tableaux. Ce sont deux personnages qui se développent en parallèle et dont les histoires finissent par se rejoindre, mais au passé. La construction du récit est très habile, et plus l’histoire avance, plus les deux personnages s’étalent et font corps avec la narration. Ce sont eux qui font progresser l’histoire. Philippe Lafitte arrivent à leur donner une vraie consistance et surtout une voix à chacun, qui peuple le récit. C’est malin et très efficace !

« De gros éperons rocheux pointaient au loin et les nuages éclaboussaient les pâtures de trouées de lumière et d’ombre, soulignant par instants les tâches claires des brebis dont l’odeur parvenait jusqu’à l’habitacle. »

Au-delà de la construction réussie des personnages, Philippe Lafitte excelle dans un autre domaine : la mise en place de décors, d’ambiances. Qu’il soit également scénariste n’est pas une surprise, tant il maîtrise les codes pour créer des scènes. Sans en faire trop, il s’attarde sur quelques éléments, qu’il fait ressortir et interagir avec le reste, en créant des ambiances brumeuses ou feutrées. On est versés dans l’écriture de Philippe Lafitte par la familiarité des scènes, leur caractère quotidien. Et c’est pourtant pour y faire se dérouler un fait divers et une traque meurtrière ! Tout est dans cette nuance-là, et on navigue sans cesse entre plusieurs échelles.

Plus qu’un roman qui raconte une histoire, Celle qui s’enfuyait est un rouage romanesque ouvert, qui met en place des mécanismes et laisse le lecteur au milieu de ceux-ci. Jusqu’à se faire entrainé !

Conseil de lecture : à lire en écoutant du jazz.

Celle qui s’enfuyait – 2018

Philippe Lafitte

Grasset

224 p.

ISBN : 978-2246815563

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