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Photo du rédacteurQuentin Perissinotto

Vald, le sombre sale



Qui dit nouvel album de Vald dit déferlement d’analyses, de critiques, d’incompréhension. Car le rappeur d’Aulnay-sous-Bois ne cesse d’intriguer : volontiers provocateur, plus volontiers encore maître du second degré, Vald a laissé s’échiner nombre de journalistes pour décortiquer son travail, souvent en vain. Quand on l’interroge sérieusement, il répond par une pirouette et se défait toujours des questions de fond. Une manière de recentrer le débat sur l’unique chose qui importe : sa musique. Alors laissons de côté tout le reste et ne parlons que de ça. Ça tombe bien car avec XEU, Vald rejoue 1871 : il soulève tout Paris.

« Le teint pâle et l'âme noire, l'horizon grisonnant »

Si l’album arbore une pochette blanc immaculé, c’est pour révéler des sons plus sombres que jamais. Dans des titres comme Gris, Possédé ou Seum il essaie d’exorciser ses démons intérieurs ou personnalisés par la drogue ou l’alcool, le tout mêlé d’une mélancolie violente. Chez Vald, rien n’est linéaire ou univoque. Lorsqu’il parle de nostalgie, c’est toujours teinté de haine, de prods saccadées qui tapent (d’ailleurs au Moyen Âge, la tristesse était un sentiment qui exprimait tout autant les larmes que la fureur, allez cette info c’est cadeau, ça me fait plaisir). Mêlé à cette haine, on retrouve également une certaine impatience : dans le morceau Chépakichui le flow de Vald se pose presque d’une traite et donne cet air haletant qui parcourt tout le titre. Cette volonté de tout livrer en un instant, sans prendre de recul, on la retrouve dans tout l’album : en empilant les punchlines les unes après les autres, parfois sans beaucoup de lien, Vald imprime à sa musique un côté lancinant, très marqué. Effet renforcé par un flow qui découpe tout !

Daenerys en PLS, Vald lui fume ses dragons

Cette instantanéité, Vald la dénonce également dans le morceau Primitif, qui ouvre l’album. Il critique la société de consommation, qui plutôt que d’élever notre conscience générale, l’avilit. Des morceaux très thématiques, on n’en trouve que très peu dans ce dernier album. Bien sûr certains sujets parsèment les dix-sept pistes, comme l’argent, les démons, le passé, la haine, mais Vald a poussé encore plus loin ici le délire de l’absurde. Après s’être fait connaître comme un rappeur dissident et surréaliste, Vald assoit avec XEU son style et sa légitimité dans l’absurde. Prenons le morceau le plus emblématique, Dragon : tout au long des trois minutes trente, il livre des propos incohérents, sans aucun sens, qui donnent l’impression d’écouter une conversation de fin de soirée entre deux bourrés. Pourtant le flow est encore une fois énorme, et couplé à une instru assez lente, ça donne un son absolument dingue. Personne n’y comprend rien, mais tout le monde crie déjà « roule un dragon, fume un dragon, charge un dragon, vise les te-tê ». En réduisant un morceau à deux ou trois punchlines, Vald a réussi à créer une sorte de motto. Bien sûr, on peut trouver ça stupide, indigent ou que c’est une vaste blague ; il n’en reste que Vald teste le rap, s’amuse avec pour voir jusqu’où peut mener la punchline. Il recherche la sonorité pour la sonorité, sans le reste. Vald c’est un peu l’impressionniste de la musique, à la seule différence qu’il utilise son pinceau dans les teuchs.

Une liberté totale

Si Vald expérimente au niveau des paroles, il le fait également au niveau des instrus. Pour la première fois il ose poser sur de l’eurodance. Et encore une fois, il tue tout ! Il y a une réelle liberté qui parcourt l’album, tant au niveau des ambiances (tantôt douces, mélodieuses, tantôt hargneuses et trap), des références qu’au niveau des instrus. Beatmaker de la majorité des titres de l’album, Seezy a réussi à proposer un mélange d’énormément de styles différents, mais avec une cohérence finale. Résultat, on voyage beaucoup, on passe par plein d’états, mais on boucle la chose de manière très naturelle.

Avec XEU, Vald a livré son album le plus sombre, le plus absurde mais également le plus fort. Et paradoxalement aussi le plus optimiste – un son complet, Deviens génial, est composé de bonnes paroles (et un peu d’egotrip) – et le plus entrainant. Déjà le titre, trois lettres pouvant signifier tout et n’importe quoi, le laissait présager : Vald propose un projet musical mais il ne téléguide rien, c’est à l’auditeur de chercher ce qu’il veut y trouver. Toujours énigmatique, Vald n’en reste pas moins toujours époustouflant.

XEU – 2018

Vald

Capitol Records

17 titres

10.99 €

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