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Photo du rédacteurQuentin Perissinotto

Un Grand Cru trop lourd pour qu'il se fasse soulever



© Chloé Ciccolo

Depuis quelque temps, lorsqu'un Marseillais vient à Paris, c'est pour repartir bredouille et les larmes aux yeux juste après (et en queue de classement). Mais Deen Burbigo a bel et bien explosé dans la capitale. Né en 1987 à Marseille, il vient à Paris neuf ans plus tard, non sans avoir gratté ses premiers textes dans une MJC. Sous le feu des projecteurs grâce aux Rap Contenders et aux freestyles vidéo, il ne tarde pas à sortir son deuxième EP, Inception, en 2012. Il surfe sur des beats assez minimalistes, assène ses punchlines et son flow se fait extrêmement percutant, ce qui le place comme une des plus fines gâchettes de la scène rap. Les rythmes secs transpercent l'instru et donnent un côté encore plus violent à son flow. Mais résumer le Bigo à une machine agressive à punchlines serait ne pas avoir écouté ses albums. Un tournant majeur dans sa musique arrive avec Fin d'après-minuit, sorti en 2014. Les mélodies se font plus colorées, il abandonne sa posture de kickeur acharné pour faire place à un homme qui maîtrise à la perfection ses rythmes, ses intonations, ses sonorités. Son flow est plus posé, plus calme, et cela se traduit à la perfection avec le titre Chillin'. Il semble avoir vraiment avoir trouvé sa cadence lyricale et c'est fort de ce bagage qu'il vogue vers son premier album. Mais il faudra trois ans avant que cet opus voit le jour. Il faut dire que le bonhomme est très méticuleux ! Il espérait faire cet album en un an, mais il a beaucoup jeté de morceaux, n'en a pas fini d'autres, il n'était pas content de ce qu'il avait sous la main… alors on recommence ! La maturation prend du temps.

"J'étais poids plume depuis ma plume a pris du poids" (L'oseille à la bouche)

Incontestablement, Gran Cru affiche un côté abouti tant au niveau de la musique qu'au niveau de la cohérence générale de tous les morceaux. Souvent lors des premiers albums, on a le droit à quelques bons morceaux, mais totalement décousus les uns des autres. Ce qui n'est pas le cas ici; ils entrent en écho et se répondent. Les trois ans de travail se sentent ! Les nouvelles ambiances aperçues dans Fin d'après-minuit sont exploitées et poussées encore plus loin, jusqu'à introduire des parties musicales ou chantées plus longues. Son rap s'est fait plus éthéré, la densité de ses débuts est devenue plus allégée et les parties chantées offrent ainsi à l'album une coloration plus aérienne et persuasive. Partant des monolithes old school basés sur le travail du sample, Deen Burbigo a su élargir son horizon en travaillant avec différents beatmakers afin d'enrichir la palette de son rap. L'artiste pose sa voix sur des styles qu'on lui pensait inconnus, jusqu'à verser dans des sons au côté trap (Coupe le son et Là Gamin) ou reggae (Freedom). Mais on ne perd surtout pas la cohérence d'ensemble, et la présence du producteur En'Zoo, qui a travaillé sur la plupart des productions, n'est pas étrangère à ceci. Dans une interview donnée à Konbini, il explique son choix. "Je n'ai pas de couleur que j’ai inventée ou développée, qui soit à moi. Jusqu’a ce que j’arrive à la trouver, je vais essayer d’être le plus éclectique possible. Travailler avec plusieurs beatmakers, c'est aussi s'assurer d'avoir la pépite de chacun."

Egotrip de galérien

Au niveau des paroles, Deen se situe bien loin des morceaux préformatés, qui jouent la carte de l'egotrip à l'extrême. Dans Fauché, il raconte sa vie de galérien, ses années de quotidien désargenté et toutes les situation qui peuvent en découler, comme une fille ayant supprimé son numéro car son compte en banque affichait zéro par exemple. C'est une situation que le rappeur marseillais a bien connue. Il a en effet enchaîné les petits boulots (bagagiste à la SNCF, du travail au black, de la plonge, vendeur chez Décathlon) jusqu'à se décider à s'inscrire à la Sorbonne, en fac d'histoire. Dans Pas une autre, le ton est plus optimiste, il exhorte à profiter de la vie, vivre l'instant présent et surtout à ne pas perdre espoir car "il reste de l'espoir partout où il y a d'l'amour". Et surtout, que la vie ne passe pas par se tuer à la tâche en faisant des boulots ingrats. Le morceau le plus performatif, On y va, permet de retrouver tout le talent de kickeur du Deen. Dans Rêve d'ado, il plane comme une mélodie d'Inception (on pense au morceau Debout à l'aube), avec un tempo très lent, futuriste et coloré, et un flow lui aussi très doux. Il parle d'avoir accompli ses rêves d'ado, mais qu'il lui reste désormais à réaliser ceux d'adulte. Des horizons prometteurs s'ouvrent en tout cas à lui ! Un bel opus qui se chargera de dynamiser vos soirées.

Cette article est une collaboration avec le blog yung pocah , qui parle lui du concert de Deen Burbigo à Lyon. L'article se trouve ici: lien.

Grand Cru – 2017

Deen Burbigo

Grand Cru Label

15 titres

12.99 €

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