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  • Photo du rédacteurQuentin Perissinotto

From here to ear



© Claude Cortinovis

Les chaînes métalliques verticales de la porte tintent à chaque passage. Elles transforment dès les premiers pas la visite en une caisse de résonance. Puis des vols zèbrent l’espace, se mêlent aux danses musicales. D’où sortent les sons ? On avance prudemment sur les étroits parterres de bois, entre des cymbales éventrées et des arches. On se laisse gentiment aveugler par la lumière qui pénètre avidement dans l’espace, donnant la sensation d’être ailleurs, léger et vagabond. Passé la première vague d’étonnement, on se laisse bercer par le clapotis doux des notes lancées en échos ; on ne réalise cependant pas encore ce qui nous porte, ni où l’on va, mais c’est là toute la beauté de l’exposition : on se laisse surprendre et guider par la curiosité.

Une visite sous les pépiements de rockeurs ailés


© Claude Cortinovis

300 mètres carrés ouverts pour accueillir 88 diamants mandarins : voici les contours de cette volière géante qui se transforme sous les va-et-vient des spectateurs en une salle de concert vivante. Car les sons produits viennent des volatiles qui se posent, sautillent ou qui glissent sur les cordes des guitares électriques ou des basses disposées ça et là. Tout est pensé pour que les oiseaux se sentent bien : les 25 mètres cubes de sable lavé du lac de Neuchâtel couplés aux 200 graminées, aux niches, arches transformées en perchoirs et cymbales en abreuvoir permettent à la gent (oui on écrit bien « gent » sans « e ») ailée de s’approprier ce lieu et d’y évoluer plus ou moins librement. Ces mandarins diamants ont été élevés dans la région spécialement pour l’occasion et sont venus poser leurs plumes au Centre d’art contemporain d’Yverdon-les-Bains deux semaines avant le vernissage. Et ils rythment désormais les journées et les visites au gré de leurs pépiements de rockeurs depuis le 29 juillet !

Penser le hasard


© Claude Cortinovis

Au-delà de l’émerveillement joyeux qu’un tel spectacle provoque, on peut se demander quelle est la proposition artistique. En réunissant des domaines étrangers par le biais du hasard, Céleste Boursier-Mougenot veut nous faire rencontrer l’improbable, pour une expérimentation calme mais pourtant décuplée du moment présent. Car lorsque l’on déambule dans les allées du CACY, on se laisse aspirer par les vols des mandarins, on se fait happer par les sons en cherchant d’où ils surgissent et donc on se perd dans l’instant, on arpente les salles comme on arpente notre quotidien ; un peu au hasard, en ne sachant pas trop quoi chercher. Cette exposition est également un questionnement sur ce qui relève du hasard ou de l’agencement. Céleste Boursier-Mougenot a méticuleusement accordé les guitares pendant deux semaines, cherchant l’harmonie générale au cœur du hasard, lui qui est musicien de formation. Car ce qui est frappant lorsque l’on visite l’exposition, c’est qu’aucun son n’est dissonant ; tout est certes un vibrant gazouillis mais les sons se font échos et se fondent l’un dans l’autre (ce qui fait des envieux puisque Taylor Swift a sorti un album moins réussi que les mélodies de ces musiciens grégaires). Tout ne saurait être le fruit du destin ! Et plus encore, même si le visiteur joue le rôle de catalyseur en déclenchant les déplacements des oiseaux et provoquant ainsi les sons, l’ordonnancement de l’espace n’est pas une loterie. L’artiste a étudié le lieu et pensé l’exposition à partir de celui-ci : il a ainsi dû quelque peu modifier la scénographie en se rendant compte que les volatiles restaient trop en retrait et ne faisait pas assez rugir les instruments. En disposant la nourriture vers le milieu des salles, le problème était alors résolu ! Derrière les déambulations curieuses des visiteurs se cache donc un ordre minutieusement pensé, qui met en marche le hasard. Une symphonie pour plonger au cœur même de l’œuvre, étant soi-même un acteur de celle-ci !

22ème version

From here to ear n’est pas une idée soudaine de l’artiste français. Après une première installation de ce genre en 1995, Céleste Boursier-Mougenot récidive quatre ans plus tard au P.S. 1 à New York. Depuis, l’installation n’a cessé de d’évoluer, de se réinventer et elle arrive pour la première fois en Suisse sous sa vingt-deuxième mue. Céleste Boursier-Mougenot organise une double exposition : intra muros au Centre d’art contemporain à Yverdon-les-Bains, et extra muros à Vercorin par l’intermédiaire d’R&Art. Œuvre vivante et éphémère, from here to ear (v. 22) est à voir et à savourer jusqu’au 5 novembre. Et l’on ressort vivifié par ce spectacle !

Céleste Boursier-Mougenot : from here et ear (v.22)

Centre d’art contemporain

Place Pestalozzi, 1400 Yverdon-les-Bains

Exposition jusqu’au 5 novembre

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