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  • Photo du rédacteurQuentin Perissinotto

Florilège des romans qu'il fait bon lire


Puisque la vie est trop courte pour lire des mauvais livres, nous vous proposons une sélection de dix romans, cinq contemporains pour autant de classiques, qui méritent d'être au moins ouverts. Pour ne plus pouvoir être refermés !

CONTEMPORAINS

Corniche Kennedy de Maylis de Kerangal

Laissez-vous embarquer sur les falaises marseillaises avec cette bande insouciante, dans un roman au rythme et style effréné. Si les nuages ternissent quelque peu le ciel bleu estival, vous pourrez compter sur Corniche Kennedy de Maylis de Kerangal pour vous plonger dans l’ambiance crépitante, lourde et ensoleillée du sud, qui brise toute monotonie, faisant défiler l’été à tombeau ouvert entre vos pages. Kerangal taille dans le vif une situation, la ciselle de toutes parts. Et son style ne s’en fait que plus puissant. L’intrigue est simple : l’été, une bande de jeunes qui fait des siennes en défiant l’autorité, des sauts depuis la corniche, un commissaire inquiet et impuissant. Le décor est minimal, le véritable moteur romanesque résident dans le style ; avec un rythme très haché, Maylis de Kerangal fait tournoyer les personnages devant les yeux du lecteur, de plus en plus vite. Jusqu’à précipiter le tout, du haut d’une falaise en une course poursuite. Deux tensions cravachent le récit : l’hésitation, le trouble, l’excitation de sauter, qui grisent cette bande de jeunes et happent le lecteur au plus près, le faisant personnage à part entière et non plus spectateur. Mais la seconde tension nous ramène à notre rôle d’observateur : la police coursant les jeunes, les jeunes fuyant. Mais Corniche Kennedy ne peut pas s’apparenter à un polar, même partiellement. Cette fuite en avant n’est que le résultat d’une mise à plat du rythme effréné martelé au fil des pages par Kerangal. Mais cette écriture peut trouver de la réticence, elle déroute, chahute le lecteur, mais rend la lecture ô combien plus intensive et vivifiante. Une lecture de plage qui ne fait pas se dorer au soleil, mais balloter par les flots.


Corniche Kennedy – 2010

Maylis de Kerangal

Folio

192 p.

6.60 €

ISBN : 978-2070416998

Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson

Il s’agit certainement de l'un des écrivains actuels le plus talentueux. Son style très direct, fluide, sensible s’exprime aussi bien dans le format court (les nouvelles de S’abandonner à vivre) que dans un récit de voyage (Dans les forêts de Sibérie). Sa prose est faite d’aspérités, de creux, qui ne polissent pas le lecteur mais l’insère au contraire dans les interstices de la vie. Lire Tesson c’est à la fois une activité dense, car son style ne se livre pas tout de suite, mais également une pause. Ses mots bercent, apaisent. Tesson nous emmène avec lui au fond de la Sibérie, nous coupe de tout monde et nous déroule ses craintes, ses soucis techniques, ses lectures, ses réflexions, tout ce qui rythme ses journée en somme. Et nous l’écoutons, paisiblement. Comme un ami nous racontant ses vacances. Ce livre est à la fois un voyage et un stationnement : il nous fait découvrir la Russie profonde, mais nous plonge également dans une sorte de douce léthargie. 


Dans les forêts de Sibérie – 2013

Sylvain Tesson

Folio

304 p.

7.70 €

ISBN : 978-2-266-18873-9

L'écrivain national de Serge Joncour

Ecrire sur sa propre profession, sa propre pratique est devenu monnaie courante chez les auteurs. Dicker nous a proposé un écrivain superstar, Foenkinos dans son dernier roman un écrivain brumeux, Henri Miller dans Crazy Cock un looser incapable de publier quoi que ce soit. Et la liste pourrait encore s’allonger à loisir. Mais avec ce roman, Joncour s’écarte de toute dimension métatextuelle ; son personnage n’est rien de plus qu’un bonhomme s’en allant à la campagne, contraint par la force des choses. Qu’il soit écrivain, boulanger ou secrétaire ne change rien à sa consistance : il est désillusionné, brouillon, maladroit, simple, bon vivant, attachant. Joncour a cette capacité-là à nous faire rentrer dans un quotidien sans relief, dans un petit village de campagne qui semble s’être arrêté le temps du passage de cet écrivain de fortune. Mais que les autorités ont eu bon cœur d’inviter, pour animer la vie culturelle de cette calme bourgade. Joncour se joue de l’écriture, cet écrivain national est malmené par les différents personnages, et il porte lui-même une lucidité acide sur son sort. Il ne fait pas grand-chose en somme. Personne ne le connait. L’humour qui saupoudre autant les dialogues que les considérations du narrateur transforme ce récit assez plat en quelque chose d’une extrême vitalité. Ce n’est jamais une démonstration d’humour, mais un voile qui enveloppe la narration, la rend plus cocasse, moins froide. L’écrivain national est d’une légèreté rafraichissante, mais non pas superficiel.


L'écrivain national – 2015

Serge Joncour

J'ai lu

380 p.

8 €

ISBN : 978-2290108192

Trilogie new-yorkaise de Paul Auster

Dépaysez-vous totalement en embarquant dans les rues de New-York avec Paul Auster et ses doubles romanesques. Au-travers d'une trilogie de romans où les personnages poursuivent des quêtes autant d'identité que de liberté, Auster nous promènent dans les boulevards de Big Apple, nous noie dans l'immensité de la cité nocturne, nous rend familiers avec cette ville qui n'a de cesse de se mouvoir et de changer. Personnage romanesque à part entière, New-York se construit et se déconstruit au fil des trois romans que sont Cité de verreRevenants et La Chambre dérobée, prend mille et une facettes et se transforme au fil des rues. Oeuvre emblématique de l'auteur américain, Trilogie new-yorkaise est une formidable balade méditative sur la ville, l'identité et les névroses qui nous rongent.


Trilogie new-yorkaise – 1987, trad. 2002

Paul Auster

Babel

444 p.

9.70 €

ISBN : 978-2742737918

La moustache de Emmanuel Carrère

Vainqueur du Renaudot en 2011 pour Limonov, Emmanuel Carrère nous livre ici une pure oeuvre de fiction, lui qui a pour habitude de puiser dans sa vie, la vie des autres, pour construire un récit. A la fois drôle et absurde, l'histoire nous campe un homme au bord de la folie lorsqu'il se réveille un matin et, voulant faire une blague à son entourage, se rase la moustache qu'il a toujours fièrement portée. Mais le malaise le frappe de plein fouet: on l'assure qu'il n'a jamais porté de moustache ! Comment remettre de l'ordre dans sa vie lorsque tout nous échappe ? Par où commencer ? Croire les autres et se persuader de sa folie ? Le roman agit comme une fable contemporaine, où notre quotidien surgit de manière surnaturelle, mais dont la finalité des situations ne sont pas si éloignées que sa de notre réalité... Une lecture étonnante et drôle, à emporter sous le parasol !


La moustache – 2002

Emmanuel Carrère

Folio

182 p.

6.60 €

ISBN : 978-2070378838

 

CLASSIQUES:

Bel-Ami de Guy de Maupassant

Véritable petite monographie de la presse parisienne, Bel-Ami retrace l'ascension sociale de Georges Duroy venu à Paris pour la gloire. Parvenu au sommet de la pyramide sociale parisienne en ayant jouer de ses relations avec ses maîtresses, Georges Duroy est l'archétype de l'arriviste si cher au courant réaliste, et même au XIXe siècle. Brunetier disait dans la Revue des deux Mondes en 1885 que "rarement on a de plus près imité le réel, et rarement la main d'un artiste a moins déformé ce que percevait son œil. Tout est ici, d'une fidélité, d'une clarté, d'une netteté d'exécution singulière." Le style est extrêmement clair, la prose de Maupassant glisse sur les pages et emmène le lecteur au plus près de la société parisienne du Second Empire, ou plus généralement de la seconde moitié du XIXe siècle. Un roman qui se lit d'une traite !


Bel-Ami – 1999

Guy de Maupassant

Folio

438 p.

3.50 €

ISBN : 978-2070409358

À Rebours de Joris-Karl Husymans

Huysmans est un écrivain souvent oublié, pourtant il a laissé derrière lui une oeuvre riche et originale. La grande particularité d'À Rebours est que c'est un roman protéiforme: mêlant la critique d'art, littéraire ou musicale à la réflexion culinaire ou sur la vie et la société du XIXe siècle, le roman constitue un catalogue à pages ouvertes de goûts et dégoûts du narrateur, le dandy excentrique Jean des Esseintes. Après avoir jouit pleinement de sa vie et de ce que pouvait lui offrir son temps, des Esseintes est contrait de se retirer de Paris. Ainsi commence le roman. Il ne se passera guère plus de choses. Ce roman contribuera à éloigner Huysmans du naturalisme, en le plaçant plus dans l'esprit décadent et symboliste. L'auteur versera même dans le satanisme avec le personnage de Durtal apparu dans Là-bas, En route, La Cathédrale et L'Oblat. Le narrateur d'À Rebours préfère les auteurs antiques aux classiques, voit en Verlaine, Baudelaire et Mallarmé (que l'ouvrage contribuera à faire connaître au grand public) les grands poètes prochains, dans la peinture il ne retient que Gustave Moreau et Odilon Redon, il crée des parfums raffinés... il est un décadent caractéristique ! Mais malgré tout, il ne pourra s'adonner définitivement à cette vie d'oisiveté et devra abandonner son aedium vitae pour rentrer à Paris. Un livre déroutant à bien des égards.


À Rebours – 1977

Joris-Karl Huysmans

Folio

430 p.

8.20 €

ISBN : 978-2070368983

Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes

Chaque fois qu'une personne utilise le mot "moyenâgeux" ou qu'elle utilise le Moyen Age comme élément de comparaison dégradant, il conviendrait de la frapper avec un livre de littérature médiévale. Pour deux raisons: la première étant qu'ils sont bien souvent épais et donc très lourds, la seconde car cette littérature regorge de vitalité et n'est en tout cas pas mortifère comme on semble trop souvent le penser. Notre littérature actuelle repose sur beaucoup d'éléments fondés par des auteurs médiévaux. Chrétien de Troyes en est un criant exemple: père du roman moderne, il a contribué à donner à la littérature médiévale une portée civilisatrice. Mais lire un roman du Moyen Âge n'est absolument pas comparable avec la lecture de ce que l'on appelle désormais roman, il ne faut pas oublier que la prose s'écrivait principalement en vers. Ainsi, la musicalité occupe une place prépondérante dans toute la littérature s'étalonnant des Serments de Strasbourg à François Villon. Lisez Le Conte du Graal et vous serez étonné d'y prendre autant de plaisir ! Comparable à un roman d'apprentissage, on nous conte l'histoire de Perceval, depuis qu'il veut se faire chevalier, et l'on suit ses pérégrinations et ses quêtes, jusqu'à découvrir la fameuse scène du graal ! Courez acheter ce livre.


Le Conte du Graal – 1990

Chrétien de Troyes

Livre de Poche

640 p.

8.60 €

ISBN : 978-2253053699

L'Oeuvre d'Émile Zola

Zola a autant de fans inconditionnels que de détracteurs acharnés (ce qui le rend proche de Macron). Mais L'Oeuvre est un roman qui devrait réunir les deux camps, tant le style pataud de l'auteur qui peut déconcerter dans L'Assommoir, Germinal ou encore La Bête humaine se poétise ici et rend la lecture non pas difficile, mais entraînante et additive. On suit les pérégrination de Claude Lantier, un peintre pleinairiste (le pendant romanesque des impressionnistes) qui s'acharne pour renouveler la peinture en s'éloignant le plus possible de l'académisme. Mais il demeure incompris, va d'échecs en échecs. Parallèlement à cela, on assiste à l'histoire d'amitié entre Lantier et Sandoz, romancier et ami d'enfance. Véritable tableau de la vie artistique parisienne, à la fois foisonnant et tumultueux, L'Oeuvre ravira les amateurs d'art, de Zola... et les autres !


L'Oeuvre – 2006

Émile Zola

Folio

492 p.

5.80 €

ISBN : 978-2070339822

Vous trouvez ici la chronique vidéo des Chroniques de l'art:


La femme d'un autre et le mari sous le lit de Fédor Dostoïevski 

La littérature russe peut parfois faire peur au premier abord. Difficile à aborder, sombre, froide, engagée, absconse, elle souffre de nombreux préjugés. Mais dès lors que l'on s'affaire avec le texte, bon nombre tombent ! Elle se révèle croustillante, grinçante ou encore loufoque. Dostoïevski célèbre pour ses pavés (Crime et Châtiment, Les Frères Kazamarov) peut souffrir d'une image d'un écrivain lent, grandiloquent voire monumental. Mais la réalité est tout autre, comme le démontre la lecture de ce livre ! Parues d'abord séparément, les deux parties de cette nouvelle ne sont réunies que trois mois plus tard dans la même revue, Les Annales de la Patrie, en décembre 1848. C'est pourtant bien une même histoire, mais racontée de deux focales différentes: dans la première partie, on suit la rencontre cocasse entre un mari qui cherche à piéger sa femme qu'il suppose volage et l'amant de celle-ci. Le mari ne sachant evidemment pas à qui il parle. Puis dans le deuxième partie, tout se passe en catimini, sous un lit où sont cachés le mari et un autre homme. Nouvelle à l'allure de vaudeville, Le femme d'un autre et le mari sous le lit explore le topos du genre avec le triangle amoureux, le ridicule et pathétique des maris suspicieux et cocus, les quiproquos qui tournent à l'absurde et désemparent les protagonistes. Qui a dit que la littérature russe était ennuyeuse ? Encore une chose importante: préférez les traductions d'André Markowicz aux autres, il a fait un énorme travail de retour à la source au niveau de la langue russe qui avait été trop francisée par certains traducteurs.


La femme d'un autre et le mari sous le lit – 1994

Fédor Dostoïesvki

Babel

80 p.

5.60 €

ISBN : 978-2742701278

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